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© 2015 par Marion Rascagnères.

               Afin de comprendre la pratique actuelle, il importe de retracer son évolution. C’est en 2013 que le projet Ce qui me regarde va constituer le point d’origine de mes recherches. Dans l’intention de révéler la ‘’vérité organique de l’être’’, les expérimentations tournaient autour de la notion d’organisme répugnant. C’est à travers la démarche de la transgression, que l’image du corps – dans sa représentation – apparaît. La réception esthétique devient un des enjeux dans la pratique artistique. 

En évoluant – toujours dans l'univers du corps et du médical – les recherches sont devenues plus concrètes, s’orientant vers le médico-chamanisme. C’est à travers un travail en série de poupées et de poupons que la notion de maladie était expérimentée. Au départ, après une fabrication de grandes poupées en tissu avec des matériaux de récupération, une première série de poupons a émergé par un principe de démembrement, dans l’intention de créer plusieurs corps en réassemblant – et sélectionnant – les membres entre eux.

Influencée par les monstres de foire du 19ème siècle, je me suis ensuite dirigée vers la reconfiguration de poupons. Cela consistait à reconfigurer le corps par le biais d'une désarticulation des membres donnant naissance à un corps monstrueux, grotesque, au vocabulaire plastique clinique. Ce corps, cet objet-poupon en tant qu'intermédiaire et interface, s'incarnait dans une dimension du fétiche.
 

            Ensuite j’ai commencé à aborder la notion de corps-mutant, sous forme de déformations, de mutations corporelles et organiques, d’aliénations du corps, des excroissances, jusqu’à advenir à une nouvelle organicité. Basée sur l’idée de maladie, le concept fut de rendre palpable la maladie comme un corps qui se développe. Cela a été possible grâce à l’expérience de la matière, dédiée à retranscrire une présence organique. L’utilisation des divers matériaux fut une expérience nouvelle dans ma pratique artistique, en particulier la découverte de la couture. Le traitement du corps se retrouve déformé, affligé, attaqué par la maladie, faisant de celui-ci un corps monstrueux et mutant. Les matières, les couleurs, les textures, les excroissances, tous ces corps en perpétuelle évolution, se créent et se propagent afin de devenir des corps à la fois dépendants du corps souffrant et autonomes en tant que corps en lui-même.

En parallèle de ces manipulations, des sculptures en bandes plâtrées ou en plâtre germaient d’un assemblage de morceaux et fragments de corps humains pour arriver à des formes en mutation par l’accumulation.

 

     A travers le champ de la sculpture en plâtre, est abordée la question du monstrueux lié au corps. Le monstrueux exploré dans ma pratique artistique amène à penser celle du monstre entre le domaine de la fiction (mythologie, imaginaire) et celui des sciences (tératologie, monstres biologiques, monstres de foire). Corps monstrueux ou monstruosité du corps ?
Monstre : « Etre vivant ou organisme de conformation anormale (par excès, défaut ou position anormale des parties) » Paul Ardenne.
 
    A travers l'utilisation des techniques du moulage -pratique de la fragmentation du corps- vient celle de l'assemblage des formes en devenir. Les éléments sont mis en pièces, fragmentés, morcelés. Le corps sculptural comme produit d’assemblage, de jeu combinatoire d’éléments corporels hétérogènes. Accumulation, répétition, déformation, amputation sont des moyens, des tentatives pour modeler le corps.
« Corps : entité physique distincte et limitée dans l’espace ; ensemble cohérent de parties organisées entre elles et faisant système (corps social, corpus théorique) ; ensemble de composantes organiques d’un être vivant (corps-organisme) ; ensemble des sensations physiques éprouvées par un individu (corps propre, sujet de l’expérience) ; construction culturelle autour de l’individu (objets de statistiques, de normes sociales et juridiques, caractéristiques physiques d’une personne, véhicule relationnel en accord –ou pas- avec son identité, son genre, etc.) » Stéphane Dumas.  

      Le champ du monstrueux est alors exploré en des créations morphogenèses ; en plâtre ou en matière organique tels que les cheveux, les ongles, jusqu’à exploiter d’un point de vue métaphorique la dimension charnelle du latex. Monstre scientifique, monstre de fiction, voire même membre autonome, ceux-ci relèvent d'une construction déplacée de la connaissance des normes biologiques, où le trouble peut apparaître. Exhibés, ces corps jouent entre attirance et répulsion, distance et proximité, nature et contre-
nature, ambivalences assumées qui soulèvent ainsi la question de l'esthétique.


      La pratique actuelle amène à penser des notions d’espaces, de lieux et de non-lieux au sein du processus de réalisation des productions artistiques jusqu’à leur mise en espace, celles-ci confrontées à la réception 
des spectateurs.

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